France Dimanche 20/11/2014

France Dimanche (F.D.) : Comment avez-vous réagi le jour où l’on vous a confié le rôle de Patrick Jane ?

Simon Baker (S.B.) : J’ai beaucoup ri de moi-même. Il faut que vous sachiez que je suis complètement myope. Sans mes lunettes, je ne vois rien à plus de deux mètres ! L’idée que l’on puisse me confier le rôle d’un type qui distingue une miette de pain dans une maille de vêtement à plusieurs mètres m’a beaucoup amusé ! Quand vous me voyez plisser les yeux et le front, n’allez pas croire que je réfléchis, en fait, ce sont mes lentilles qui m’irritent la cornée !

F.D. : Pourquoi votre personnage conduit-il une Citroën DS ?

S.B. : Un acteur australien qui conduit une voiture française dans une série américaine, c’est cocasse, non ? C’est moi qui ai imposé cette « reine de la route » à la production. J’en conduisais une lorsque j’étais au générique de la série Hartley, cœurs à vif. J’avais été séduit. Donc, entre la DS et moi, c’est une longue histoire d’amour !

F.D. : Depuis toutes ces années, qu’avez-vous le plus apprécié chez Patrick Jane ?

S.B. : Sa façon de mener une enquête à l’ancienne. Chez lui, c’est l’aspect humain qui prime avant tout. Il ne se sert pas de détecteurs de mensonges ou de machines diaboliques pour faire éclater la vérité. C’est juste un homme qui sait décoder les comportements de ses semblables ! Si j’avais été aussi perspicace que lui, j’aurais tourné dans moins de navets !

F.D. : Dans quel milieu social avez-vous grandi ?

S.B. : Du point de vue financier, mes parents tiraient vraiment la langue pour nous payer des études, à moi et à ma sœur aînée, qui avait des résultats époustouflants à l’école. Elle a d’ailleurs décroché son diplôme de médecin très jeune. Alors que, moi, j’étais un glandeur fini ! La seule chose qui m’intéressait, c’était d’aller au cinéma ou de regarder des vidéos, affalé dans un canapé. Mes parents m’avaient surnommé « l’artiste » avec tout ce que cela sous-entend ! Ils ont fini par consulter un médecin, spécialiste du retard psychomoteur, qui m’a fait passer toute une batterie de tests pour évaluer mon QI ! Et j’ai obtenu de meilleurs résultats que ma sœur ! Par la suite, on m’a fichu une paix royale !

F.D. : Vous avez déclaré que la déprime a longtemps été votre compagne.

S.B. : Pendant des années, j’ai essayé de me détruire. Je ne m’aimais pas. J’étais incapable de trouver un sens à ma vie. Jusqu’à ce que je rencontre ma femme [l’actrice Rebecca Rigg, ndlr]. Fonder une famille [Simon Baker a trois enfants : Stella, 21 ans, Claude, 16 ans, et Harry, 13 ans, ndlr] m’a donné un but. C’est Rebecca qui m’a suggéré de lire le script de Mentalist et d’accepter ce rôle. Avec mon côté écorché vif, si je n’avais pas eu le cinéma ou la télé pour m’exprimer, je ne sais pas ce que je serais devenu. Incarner différents personnages a été une thérapie.

F.D. : Quel rapport entretenez-vous avec l’argent ?

S.B. : J’ai grandi au milieu de parents constamment fauchés ! Cela m’a appris à ne jamais dépenser mon argent à tout-va. Je ne vois pas l’intérêt d’avoir douze voitures dans un garage ou huit maisons à travers le monde ! Le vrai luxe, c’est de savoir que mes enfants ne manquent de rien. Quand on me demande ce que m’a apporté le personnage de Patrick Jane, je réponds invariablement : « Une fiche de paye… »

F.D. : Vous n’avez pas de péché mignon ?

S.B. : Si. Les planches de surf. Certains achètent des grosses voitures, moi, ce sont les planches de surf. Je ne saurais vous dire combien j’en ai en stock ! J’en ai laissé aux quatre coins du monde, cela m’évite de devoir les trimbaler quand je voyage. Une planche de surf, ça prend beaucoup plus de place que des raquettes de ping-pong !

F.D. : Et c’est vous qui préparez toutes vos planches ?

S.B. : Et comment ! Je les waxe [de l’anglais wax, « cire », ndlr], les dorlote, les caresse… C’est très sensuel, une planche ! Quand j’étais gamin, je n’avais qu’une idée en tête, surfer sur les vagues de la côte nord de Nouvelle-Galles du Sud. Le problème, c’est que je ne savais pas nager ! Pour mes parents, il était donc hors de question que je m’achète une planche. Il fallait avant ça que je prenne des cours de natation. Entre-temps, je pratiquais le cricket tous les samedis. Pour me payer ma planche de surf, je ramassais les bouteilles de Coca consignées et les revendais à un grossiste ! J’ai vendu aussi des fleurs aux touristes sur le bord de la route. Avec les quinze dollars récoltés, j’ai pu m’offrir ma première planche, que j’ai d’ailleurs toujours. C’est un gars qui vivait dans une caravane enlisée sur la plage qui me l’a cédée. Pendant un an, je suis allé surfer sans que mes parents le sachent.

F.D. : Vous avez su garder la tête sur les épaules. Quel est votre secret ?

S.B. : Mes enfants sont mon point d’ancrage. Ma femme m’a aidé à prendre mes responsabilités. Avant, j’avançais dans le brouillard ! Lors du tournage du premier épisode de Mentalist, ma fille aînée observait tout, analysait tout. Je l’ai soupçonnée un temps de vouloir faire le même métier que moi. Ce qui ne m’aurait posé aucun problème. En fait, je pense qu’elle ambitionne de se lancer dans la photographie. Au cas où elle changerait d’avis, je lui ai donné des conseils. Je ne voudrais pas qu’elle s’imagine que la consécration et la reconnaissance de ses pairs viennent en claquant des doigts. Avant de percer, il faut faire ses preuves et manger de la vache enragée.

F.D. : Noël approche. Avez-vous prévu quelque chose de spécial ?

S.B. : J’adore cette période de l’année, même si c’est un peu stressant. On a tellement de trucs à prévoir qu’on doit s’y prendre des semaines à l’avance. Il faut que je vous fasse un aveu : l’organisation, ce n’est pas trop mon truc. Heureusement, mon épouse est meilleure que moi dans ce domaine. La vraie Mentalist, c’est elle ! Elle n’oublie jamais rien !

Franck Rousseau

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